En attendant de la dessiner, Gedeon te l’explique chaque semaine.
Bonjour à vous,
Bienvenue dans cette 7e édition de Dessine-moi une retraite.
Au programme de cette semaine :
Actuaire, fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil en actuariat « Actuarielles », enseignante et spécialiste de l’assurance des frais de santé.
Actuaire, professeur des universités à l’ISFA (institut de science financière et d'assurances de l’université Lyon 1), directeur du laboratoire SAF (Science actuarielle et financière), et chercheur.
Comment la démographie explique-t-elle le problème actuel d’équilibre du système des retraites ?
👉 Anne : Le problème de financement des retraites résulte de la transition démographique qui n’a pas été suffisamment anticipée. On parle souvent de baby-boom entre 1945 et les années 60, mais en réalité, le taux de natalité n’a pas spécialement augmenté à cette époque. En revanche, la mortalité infantile a été divisée par 10 depuis le XIXe siècle, grâce à la vaccination et à l’introduction de la pénicilline. Les enfants de ces générations ont donc survécu bien davantage que ceux des générations précédentes. À partir des années 70, la natalité a néanmoins considérablement diminué, en raison de cette baisse de la mortalité infantile, et d’autres facteurs comme la légalisation de la pilule contraceptive et l’émergence du planning familial.
Résultat : on se retrouve aujourd’hui avec de nombreux retraités dont la longévité est inédite, face à bien moins d’actifs. Le rapport démographique est clairement en défaveur de l’équilibre de tous les régimes : CNAM, CNAV, Agirc, Arrco, et régimes spéciaux. À cela s’ajoutent le chômage, et le fait que les actifs d’aujourd’hui ont un pouvoir d’achat bien plus faible que dans les années 50 ou 60. Tout cela a mal été anticipé, et donc n’a pas été suffisamment financé, et c’est pourquoi nous sommes aujourd’hui au pied du mur.
Le recul de l’âge de départ à la retraite est une mesure phare du projet de réforme, et certains le justifient avec un constat simple : « nous vivons plus longtemps, donc nous devons travailler plus longtemps ». L’augmentation de la longévité rend-elle inexorable le recul de l’âge de départ à la retraite ?
👉 Stéphane : En effet, la longévité a beaucoup augmenté au cours des dernières décennies, la France est même l’un des pays où les habitants, en particulier les femmes, vivent le plus longtemps. D’un point de vue actuariel, le constat a du sens à première vue, même si savoir qui doit payer ou faire des efforts est une autre question.
Il y a un premier bémol : les projections utilisées pour concevoir les dispositifs de financement de la retraite se basent sur le scénario d’une espérance de vie qui va continuer à s’allonger plus ou moins au même rythme qu’aujourd’hui. Sauf que cette évolution de la longévité n’est pas une certitude ! Dans certains pays, comme aux États-Unis, on observe par exemple une stagnation de l’espérance de vie. Nous ne sommes pas non plus à l’abri de phénomènes climatiques de grande ampleur, ou d’une épidémie bien plus mortelle que le Covid, qui viendraient frapper la population et qui feraient chuter subitement la longévité. Les hypothèses démographiques sur lesquelles se base la réforme des retraites sont donc très incertaines.
Et surtout, il y a de fortes inégalités en matière de longévité, et elles posent des questions d'équité face au départ à la retraite, qui dépassent largement les questions démographiques et actuarielles.